Dernière mise à jour le 29 août 2023

En tant qu’avocate dans le droit de la propriété intellectuelle, Isabelle Filipetti, avocate fondatrice de IF Avocats, a pu nous éclairer, au travers de cette conversation avec Florent Meyronnet, comptable chez Numbr, sur l’importance de la propriété intellectuelle, même en tant qu’indépendant. Elle nous donne ici, quelques conseils, comme par exemple, comment bien valoriser ses créations quand on est entrepreneur ? 

Isabelle nous a aussi expliqué le rôle d’un avocat conseil, et les avantages que cela rapporte de profiter de ce type de service. 

Découvrez notre échange avec Isabelle Filipetti – Avocate de droit de Propriété intellectuelle ! 

Pouvez-vous vous présenter, nous expliquer qu’est-ce que la propriété intellectuelle, pourquoi c’est important ?

Florent Meyronnet :

Alors l’idée d’aujourd’hui, c’est déjà de démystifier le rôle de l’avocat, expliquer ce qu’est la propriété intellectuelle, nous donner quelques tips et de se rendre compte que quand on est indépendant, ça peut être un vrai sujet.

Donc je vais laisser la parole. Est-ce que tu peux déjà te présenter et puis nous expliquer qu’est ce que c’est, la propriété intellectuelle et pourquoi, c’est important ? 

Isabelle Filipetti :

En-tout-cas, merci de m’avoir invité à participer à cette vidéo.

Nous sommes un cabinet qui est basé à Saint-Laurent-du-Var, composé de quatre avocats, deux associés fondateurs.

D’ailleurs, depuis hier, nous nous appelons Axe avocats, nous avons fusionné. Ça y est, cela fait à peu près 18 ans, que nous exerçons avec Nicolas HENNEQUIN. 

Il y a Nicolas HENNEQUIN qui fait du droit des affaires, et du droit du travail. Ensuite, il y a moi, qui fait du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies et du droit du numérique dans l’accompagnement des PME, des différents entrepreneurs et également du droit du travail. Enfin, nous avons deux autres avocats, avec qui nous collaborons. Camille CHARLES qui fait de la propriété intellectuelle également et du droit commercial. Et Vanessa DIDIER, qui fait plus du droit général, la responsabilité et la copropriété. Donc, en fait, on a une approche très transversale pour les clients et qui permet de les accompagner dans les différents projets. 

La propriété intellectuelle, maintenant, c’est un vaste sujet, mais c’est un sujet qui est important, notamment pour toute personne qui va créer. Ce n’est pas seulement les artistes, c’est toute création, c’est ça qu’il faut quand même bien comprendre.  Un site Internet est sujet à la propriété intellectuelle et peut avoir des droits. Ça peut amener à cette idée du droit de propriété intellectuelle, donc ça n’appartient pas qu’au domaine artistique. 

La propriété intellectuelle, donc, c’est à la fois la propriété littéraire, artistique et la propriété industrielle. Il y a deux pans, le premier pan, la propriété littéraire, artistique, c’est tout ce qui est droit d’auteur. Donc, dans le droit d’auteur, on entend les livres par exemple, on entend les dessins, les photographies. Et aussi les sites internet, les logiciels, les bases de données qui donnent lui aussi droit à un autre droit. Qui s’appelle le droit du logiciel. 

Après, il y a la propriété industrielle, qui elle est la propriété des marques, des dessins et modèles, des produits, tout ce qui donne un titre. Il y a un dépôt, obligatoirement, dans la propriété industrielle. Alors dans la propriété littéraire artistique, il n’y a pas de dépôt auprès de l’INPI. Il n’y a pas de protection a priori comme en matière de propriété industrielle.

Donc, il faut bien distinguer en fait ces deux pans de la propriété intellectuelle plus générale qui est le terme général. Dans la propriété intellectuelle. Il y a deux droits qui appartiennent, en fait, au créateur. Il y a le droit moral, c’est celui qui est attaché à la personne qui lui n’est pas cessible. 

Ensuite, il y a les droits patrimoniaux. Dans les droits patrimoniaux, il y a le droit de représentation, donc je représente l’œuvre au public. Et le droit de reproduction, je la reproduis, donc je vais la mettre par exemple sur des flyers, je la mets sur des voitures avec un logo que je vais transcrire sur des voitures. Donc ça, c’est ces deux droits, qui eux sont cessibles, qui sont négociables et qui sont importants à prendre en compte pour tout créateur.

Pourquoi c’est important de protéger sa propriété intellectuelle quand on est indépendant ? 

Florent Meyronnet :

Pourquoi, c’est important, finalement, de s’intéresser à ça et de se protéger. Quand on est artiste, on le voit directement, mais typiquement, je monte un site internet pour ma boîte, quels sont les enjeux en fait, qu’il y a derrière ? 

Isabelle Filipetti :

Quand tu crées un site internet, il y a automatiquement une valorisation de ce que tu as créé par le biais de ce site. Qui certes a été commandé par le client, mais il y a un apport de la personne qui a créé et ça, c’est valorisable et c’est valorisable sur deux choses.

D’une part, ça peut être négocié au niveau des droits d’auteur, dans la cession ou pas, ça se sera suivant le choix du prestataire.

Mais c’est aussi valorisable parce que dans le droits moral doit perdurer, le nom. Et donc tu peux imposer, par exemple, à ton client à qui tu as livré un site internet, a ce qu’il mette ton nom, le nom du créateur, la société qu’il a créé, qui l’administre, et cetera. 

Donc ça fait aussi partie de la transmission de la valorisation et ça, c’est important, je pense que faire circuler le nom d’un artiste ou d’un créateur ou d’une boîte d’infographie et pour aussi la faire monter en compétences et reconnaissance.

Florent Meyronnet :

Donc c’est pour ça que quand on va sur un site internet, on voit sur certains sites, « créé par telle personne ».

Isabelle Filipetti :

Exactement, cela fait partie du droits moral. Et pour les marques, pourquoi c’est important parce que si tu as bien choisi ton nom de marque, clairement une marque, ça va être valorisable, ça se revend, comme un site internet aussi ça se revend plus tard, s’il est bien fait, s’il y a des éléments créatifs intéressants, ça aussi, ça augmente sa valeur.

Quelles précautions doit-on prendre pour valoriser nos créations ? 

Florent Meyronnet :

Tu me fais une belle transition pour la question d’après. Quelles précautions il faudrait prendre pour bien valoriser les créations qu’on a faites ? 

Isabelle Filipetti :

Alors on va là aussi distinguer le droits d’auteur, et le droits des marques, on va prendre ces deux grandes catégories.

Dans le droit d’auteur comme je l’ai précisé tout à l’heure, il n’y a pas de titre. Donc ce qui est important, c’est la date de création, c’est celle qui va être primordiale. C’est-à-dire, à quel moment j’ai créé cette œuvre ? Et aussi, au fur et à mesure, les évolutions de l’œuvre. 

J’entends par œuvres, un site Internet par exemple. C’est la qualification juridique que l’on donne à un support qui va donner lieu à des droits de propriété intellectuelle. Donc c’est la date de création, cette date est primordiale.

La première action, c’est d’arriver à fixer cette date. Alors soit par un constat d’huissier par exemple, soit par une enveloppe solo, qu’on achète directement sur le site de l’INPI qui ne donnera qu’une date. Ou par des recommandés que l’on s’adresse à nous-même, mais qu’il ne faut pas ouvrir. Donc ça, ça fait partie de donner cette date. Et chaque fois qu’il y a une évolution de l’œuvre, bah pourquoi pas refaire à nouveau pareil, un constat, une enveloppe solo, un recommandé. Ça, c’est la première précaution.

La deuxième précaution, c’est si, par exemple, l’entrepreneur se fait aider dans la création de son œuvre, c’est de faire, un, un accord de confidentialité. Ça peut être intéressant suivant l’ampleur du projet, notamment si c’est une application, ça peut être intéressant. 

Et deux, s’il y a un autre tiers qui intervient et qui a lui-même apporté des éléments de propriété intellectuelle. À ce moment-là, prévoir des clauses de garantie sur les éléments qu’il va créer, c’est-à-dire, c’est bien lui qui les crée, en tout cas, il est bien titulaire de tous les droits. Il ne va pas s’amuser à prendre des photos à droite à gauche, qui sont couvertes par des droits d’auteur pour les mettre sur un site internet et là, ça va être catastrophique plus tard. 

Clause de garanties et clauses de cession, pour qu’automatiquement tous les droits soient dévolus au prestataire qui choisit de les céder ou non à son client. Mais voilà, ça, c’est les précautions élémentaires en matière de droits d’auteur. 

Après, ce qui est important, aussi pour rejoindre la création, ça serait de signer, de logoter, pourquoi pas de promouvoir ses créations sur les sites, pour faire valoir le nom de la société, le nom de l’entrepreneur, le nom de l’artiste pour augmenter sa cote artistique, dirai-je de manière générale. 

Et la troisième précaution, c’est quand même de suivre ce qui se fait. Parce qu’il peut y avoir des contrefaçons. Donc là, à partir du moment où au moins une personne tierce peut utiliser des éléments totalement ou partiellement de ce que l’on a créé, bah déjà, je peux envoyer un recommandé et éventuellement envisager une action pour l’empêcher. Parce que là aussi, il y a des prescriptions, à partir du moment où on a la connaissance, il faut agir.

Florent Meyronnet :

Ok, donc pourquoi pas se faire une petite veille ? 

Isabelle Filipetti :

Exactement, et en matière de marque, il y a deux précautions indispensables. 

Tout d’abord, il faut bien choisir sa dénomination. Éviter les dénominations qui sont trop descriptives par rapport aux services. Par exemple, l’INPI donne toujours “eau de javel”, pour des produits javellisant, et ça, c’est pas possible. Mais, on arrive vite dans la notion de description, ou descriptivité de la marque, ça c’est important de bien choisir si elle est trop descriptive, de l’associer à un logo, en ayant bien les droits sur le logo. Puisque ça aussi, si on le dépose à l’INPI, c’est qu’on en est propriétaires donc attention.

Et surtout de faire une recherche d’antériorité, parce que cette recherche d’antériorité il y a beaucoup de personnes qui l’ignorent au départ, entre les marques françaises. Et après elles se retrouvent avec quelqu’un qui va leur envoyer un courrier, en disant une attention, moi, j’ai déjà la dénomination attention moi, j’ai déjà la marque. 

Donc ça, c’est vraiment important, après de manière plus générale, la marque, c’est de bien cibler les services et les produits. Ça sert à rien de tout déposer, et de mettre tous les produits de la place par exemple. Si l’activité n’est concerné que par un service, ça ne sert à rien parce que plus on en met, plus on risque des oppositions, plus on risque des recours de tiers et d’autre part, on risque de perdre le droit d’usage de la marque si on n’exploite pas, quand c’est classe, quand c’est service. Donc bien limité, ça ne sert à rien de trop en mettre et souvent pour bien faire, on veut trop en mettre, mais c’est l’inverse en droit des marques. 

Et puis après, surveiller, veiller, parce qu’en matière de droit des marques, il y a une procédure d’opposition.

Donc à partir du moment où tu enregistres une marque, si par exemple un tiers va enregistrer une marque qui est similaire ou identique à la tienne, tu peux faire une procédure d’opposition, qui est purement administrative et qui permet d’éviter ensuite une procédure, pour contrefaçon et autres relatives à la marque, procédure qui est beaucoup plus lourde. 

Quel conseil pour un prestataire qui démarre ? 

Florent Meyronnet :

Quel conseil, est-ce que tu donnerais à un presta qui démarre ?

Isabelle Filipetti :

À un presta qui démarre, par exemple un prestataire, infographiste. Déjà, c’est tout d’abord de bien contractualiser ses prestations. Ça, ça ne concerne pas vraiment la P.I, mais c’est du vécu aussi avec des clients tels qu’on vient désigner. C’est-à-dire que, en matière d’infographie, il y a souvent des va-et-vient avec des clients qui n’arrêtent pas. Il y a des modifications éternelles. Donc je pense que des CGV, avec un bon contrat qui dit, qu’on a le droit à deux va-et-vient, et après, il y a une validation, et tout autre va-et-vient est facturé de tant d’euros. Au moins, ça permet d’encadrer la prestation d’éviter des prestations qui s’éternisent et où finalement tout le monde s’usent. Ça, c’est un peu du vécu aussi, mais c’est quelque chose qui est important. 

Prévoir des procès-verbaux de réception. Ça, c’est important aussi pour mettre une date sur les responsabilités et sur la maintenance qui peut avoir lieu. C’est sa fonction. Mais en tout cas, ça permet d’arrêter la prestation relative par exemple à la réalisation d’un site internet au moment de la livraison. Ça fait guise de garantie, il y a une date qui est certaine. 

Après l’autre précaution, c’est de savoir si vous cédez ou non ces droits. Parce qu’il ne peut pas y avoir de cession de droits de propriété intellectuelle sans contrat écrit ou sans mentions écrites. Et en plus tout droit cité par exemple, ce n’est pas valable, au niveau de la jurisprudence, contrairement à ce qu’on croit. La cession des droits de propriété intellectuelle doit être encadrée dans le temps, dans l’espace au niveau financier et aussi dans les droits qui sont céder. Donc on peut céder totalement, on peut céder partiellement, on peut ne pas céder, on peut céder. On peut aussi donner en licence.

Florent Meyronnet :

On peut tout faire, mais en fait, il faut l’écrire.

Isabelle Filipetti :

Voilà, on peut donner une licence, on peut céder que par exemple le droit de reproduction, sûr tel et tel support, mais pas au-delà. Par exemple, on fait un logo, et on ne veut pas que ce logo soit déposé à titre de marques sans l’autorisation du créateur. On peut dire, je vous cède les droits d’utilisation, par contre en cas de dépôt de marques, merci d’en informer le créateur, qui donnera ou non l’autorisation. 

Et ça permet aussi de suivre ses créations de pouvoir aussi peut-être un petit peu négocier au niveau financier, par rapport à un usage qu’il y a, et pour tout autre usage on donne les droits, on les concède, mais ça c’est au choix. Je pense que c’est important de bien encadrer ces deux points.

Quel est le rôle d’un avocat conseil ? 

Florent Meyronnet :

OK, merci beaucoup. Et du coup, pour conclure, j’ai une dernière question qui je pense, clarifiera beaucoup de choses. Comment est-ce que ça fonctionne un avocat conseil, c’est quoi son rôle ?

Isabelle Filipetti :

Alors, je vais parler de comment, moi, je fonctionne, parce que tout le monde à des fonctionnements différents.

Comment le cabinet fonctionne, nous, on fonctionne en synergie, main dans la main. C’est ça qui est intéressant, je pense que souvent les gens ont des réticences à aller voir un avocat, ils pensent que ça va coûter cher, c’est un investissement qu’ils ne peuvent pas faire, c’est redondant même. Pourtant, c’est une précaution à prendre. 

Un contrat avant de le signer, souvent, vaut mieux quand même aller voir un conseil en amont qui nous explique bien toutes ces choses. Et c’est déterminant dans l’accompagnement. Parce que, à un moment donné, dans la vie des affaires, on a toujours besoin d’un avocat, parce qu’il va y avoir un litige, un problème de paiement, de règlement. Si on a des bonnes CGV, si on a un bon contrat de presta, ça évite, finalement, à terme, d’avoir recours régulièrement à un avocat. C’est un accompagnement qui est nécessaire en amont et qui nécessite un travail en équipe entre le client et son avocat. Un peu dans une relation de BtoB.

Et après, c’est important aussi et déterminant dans la relation avec le client aussi parce que c’est l’image que l’on va donner à son client. Si on a un bon contrat, c’est une image et un gage de sérieux. Si, par exemple, il y a un problème, et c’est un avocat qui répond, c’est une image de sérieux, ça veut dire qu’on est accompagné. Ça peut être intéressant dans cette relation BtoC si on veut faire comme ça. Parce que par exemple, toute société d’infographie à un moment donné, va aller voir pour une marque, en disant bah, moi j’ai un avocat avec qui je travaille, qui peut vous faire la recherche d’antériorité. Ah tiens, vous êtes dans tel domaine qui est réglementé, attention dans les CGV que vous allez mettre sur votre site internet. On peut lui demander des conseils, quelles sont les précautions à prendre ? C’est à la fois l’image que l’on donne et aussi en amont, tous les documents, qui vont apporter une sécurité juridique qui va être forte et qui est essentielle aujourd’hui parce qu’on se tape plus dans la main malheureusement.

Florent Meyronnet :

OK, merci beaucoup, je pense que c’est beaucoup plus clair pour tout le monde, et il y a cet aspect d’image auquel on ne pense pas et de sérieux, quand on se lance, je pense que c’est quand même top de pouvoir avoir cette image-là de société structuré alors qu’on vient de se lancer, société structurée, bien accompagné, sérieuse.

Isabelle Filipetti :

Et puis il ne faut pas avoir de réticence, souvent, on se dit “moi, je vais voir un avocat, parce qu’il y a un litige”. Non, on peut aller voir un avocat pour du conseil en amont. Et c’est ça qui est important. Vraiment indispensable, dirais-je. Comme on se renseigne, quand on veut acheter un appartement, sur la surface de l’appartement, on vérifie si c’est la bonne surface. C’est un peu une étape indispensable et en plus, dans ces matières où il y a beaucoup de croyances, et où on peut se dire « moi, je n’ai pas de droit » ou “tiens, il y a là tout de droit cité, donc j’ai bien des droits”. Non, non, je n’ai pas cité les droits par cette mention-là.

Florent Meyronnet :

Merci beaucoup pour tous ces conseils pour ton temps et je te dis à bientôt. 

Isabelle Filipetti :

À bientôt, bonne journée ! 

 

Vous pouvez retrouvez Isabelle sur son LinkedIn, ou encore vous pouvez contacter son cabinet avec l’adresse mail suivante : cab@filipetti-avocat.com

 

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